Dans un arrêt de chambre rendu ce 11 juillet 2017, la Cour européenne des droits de l’Homme a avalisé, mais non sans réserve, la loi belge du 1er juin 2011 “visant à interdire le port de tout vêtement cachant totalement ou de manière principale le visage”, mieux connue comme loi “anti-voile intégral”.
La CEDH considère qu’un État qui s’engage dans une telle voie “prend le risque de contribuer à la consolidation des stéréotypes affectant certaines catégories de personnes et d’encourager l’expression de l’intolérance”, et que l’interdiction, même si elle n’est pas fondée sur la connotation religieuse de l’habit, “pèse pour l’essentiel sur les femmes musulmanes qui souhaitaient porter le voile intégral”. Elle considère aussi que l’interdiction conduit à “restreindre le champ du pluralisme”.
Toutefois, la CEDH estime que “l’État belge a entendu répondre à une pratique qu’il jugeait incompatible, dans la société belge, avec les modalités de communication sociale et plus généralement l’établissement de rapports humains indispensables à la vie en société”. En conséquence, elle estime qu’au regard “de l’ampleur de la marge d’appréciation” dont disposait l’État belge en l’espèce, l’interdiction que pose la loi du 1er juin 2011, “quoique controversée et présentant indéniablement des risques en termes de promotion de la tolérance au sein de la société, peut passer pour proportionnée au but poursuivi, à savoir la préservation des conditions du “vivre ensemble” en tant qu’élément de la “protection des droits et libertés d’autrui””.
Pour Justice and Democracy, qui à l’époque a contesté la loi de 2011 auprès de la Cour constitutionnelle, seuls deux éléments sont en effet à retenir : la sécurité publique et la protection des droits et libertés d’autrui. En revanche, l’interdiction de se couvrir intégralement le corps sur la voie publique a ceci de disproportionnée qu’il n’a jamais été démontré adéquatement que le port du voile intégral met en péril ces deux principes. Le “vivre ensemble” est un concept flou dont l’inclusion dans le critère de la “protection des droits et libertés d’autrui” revient à dénaturer ce dernier.
Pour Justice and Democracy, le port du voile intégral par conviction religieuse peut faire l’objet d’une régulation. Il convient donc d’assurer l’équilibre entre sécurité publique et liberté individuelle. La seconde ne peut pas être supprimée au bénéfice de la première.
Un arrêt de chambre de la CEDH n’est pas définitif. Dans un délai de 3 mois à compter de la date de son prononcé, toute partie peut demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre. Vu la fragilité de l’arrêt rendu et la nécessité d’une argumentation mieux élaborée, ce réexamen par la Grande Chambre nous semble plus que souhaitable.
Justice and Democracy asbl
Bruxelles, le 12 juillet 2017